J’ai lu un petit ouvrage qui m’a été remis sur la situation des bibliothèques à Marseille, écrit par José ROSE, membre de l’Association des usagers des bibliothèques de Marseille. En voici une petite note.

On est encore en retard…

Dans ce domaine comme tant d’autres, vous vous en doutez, on ressent un pincement de cœur parce qu’on sait très bien qu’on va parler du « retard marseillais ». Triste rengaine sur tant de sujets… D’après les chiffres, c’est simple, il faudrait doubler l’offre et les usages :

  • Surface à Marseille : 0,03 m2 par habitant, contre 0,06 m2 par habitant en France, soit 1800 places sur une surface de 25000 m2 ;
  • Taux d’emprunteurs: 5,6% de la population, contre 12,4% en France ;
  • 1,58 livre prêté par habitant contre 3,24 en France, soit 2,5 millions de prêts, dont un tiers aux enfants ;
  • Personnel : 240 agents dont la moitié de catégories C ; 2/3 des agents travaillent à l’Alcazar ;
  • 0,3 agent pour 1000 habitant contre 0,6 pour 1000 en France ;
  • 14,8 Millions € de fonctionnement dont 11,4 M€ de frais de personnel et le reste en charges générales incluant les achats de livres, et moins de 3 M€ d’investissement en 2018. Le fonctionnement représente 17 € / habitant, deux fois moins que dans les grandes villes Bordeaux, Toulouse, Lyon…

Des bibliothèques ferment alors qu’il faudrait de nouveaux équipements

Devant cette défaillance du service public, nous avons la particularité d’avoir un réseau privé associatif important : l’Office Central des Bibliothèques (30 bibliothèques de quartiers, 20 bibliothèques hospitalières), et l’ACELEM. Il n’existe que 8 bibliothèques publiques dans un réseau qualifié de « disparate ». La Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale (BMVR) de l’Alcazar représente la moitié des prêts. Son rôle n’est pas de se substituer aux bibliothèques de secteur. Parmi celles-ci, deux sont menacées de fermeture : celle du Panier et celle de Saint-André, alors que de nombreux rapports l’ont souligné : « Il manque au moins 3 ou 4 équipements d’une taille d’au moins 1000 m2 pour que Marseille comble son retard » (p.81). Le fonds d’imprimés est inférieur aux autres grandes villes. Les bibliobus ont disparu. Comme pour les écoles, les bibliothèques souffrent de défauts d’entretien. Les horaires d’ouverture sont insuffisants : 40 heures hebdomadaires contre une moyenne de 50 heures dans la plupart des grandes villes.

Mobilisation contre la fermeture de la bibliothèque de Saint-André (photo Jean Sicard)

Le climat social est très détérioré : grèves, conflits interpersonnels, départs, difficulté à stabiliser les postes de direction… Les effectifs varient d’une source à une autre mais ils ont baissé de 5% depuis 2013. Les absences pour maladie ordinaire affecterait plus de la moitié des agents selon un rapport CHSCT de 2019. L’effort de formation est faible.

Le plaisir des lieux paisibles

Malgré ce diagnostic déprimant, le livre de Jose ROSE nous aide à définir des propositions, à valoriser l’utilité des bibliothèques aujourd’hui, malgré la concurrence des supports numériques et la baisse des emprunts (de manière générale).

En effet, les usages des bibliothèques évoluent : moins d’inscriptions et d’emprunts mais plus de fréquentation, pour des conférences, des moments de travail au calme : « Un sentiment puissant s’impose dès qu’on entre dans une bibliothèque. Un sentiment d’apaisement et de jubilation dans ce lieu de silence et de lenteur, ce lieu de solitudes qui se côtoient, ce lieu ouvert et protégé, calme et grouillant, à soi et partagé, ce lieu préservé des relations marchandes… » (p.22)

« Lieu de mémoire, facteur d’intégration sociale, instrument de communication », les bibliothèques se transforment en « tiers lieu » à multiples usages. Cela peut d’ailleurs poser question. A titre personnel, je pense qu’il est important pour les bibliothèques de préserver leur spécificité et leur mission fondamentale, pour garder une qualité d’offre et de services, à une époque où tout est disponible sur Internet. « Bibliothécaire » est un métier et les formations sont justement nécessaires pour élever la qualification du personnel. Bien sûr, les bibliothèques doivent se transformer et s’adapter au monde d’aujourd’hui, faire vivre « les missions fondatrices de la bibliothèque (la préservation des livres et l’accès de tous à la lecture- dans un contexte social nouveau », ce qui conduit à déplacer son centre d’activité au « savoir sous toutes ses formes » (p. 55)

Quelques propositions pour Marseille

  • Programmer les opérations de maintien et rénovation nécessaires ;
  • Non à la fermeture des bibliothèques de Saint-André et du Panier !
  • Améliorer le maillage du territoire, en créant de nouveaux équipements par exemple à La Rose, Capitaine-Gèze, La Valentine, Cadenat, Blancarde ;
  • Rétablir les bibliobus et les services hors les murs ;
  • Définir des projets d’établissements participatifs ;
  • Développer des missions comme la lutte contre l’illettrisme, les aides linguistiques ;
  • Établir un plan de formation et de recrutement du personnel ;
  • Établir la gratuité d’accès (cela ne coûterait que 200 000 €) mais accompagnée d’un vrai projet de développement global de la lecture ;
  • Ouvrir l’Alcazar le dimanche !
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