Au niveau national, les Français peuvent constater la difficulté croissante pour faire vivre la démocratie dans les institutions de la Vème République. Au niveau local, la décentralisation connaît aussi un essoufflement, par manque d’oxygène financier, de fiscalité juste et dynamique, mais aussi par des processus de décisions lourds et complexes. Le mic-mac du fonctionnement entre la Ville de Marseille et sa Métropole en est un exemple exacerbé.
Depuis les élections municipales de 2020, la divergence politique entre la Métropole Aix-Marseille Provence et sa ville-centre Marseille, mais aussi avec d’autres villes comme Aix-en-Provence, a pris une grande ampleur.
A Marseille, cette divergence porte sur des sujets très importants pour le quotidien des habitants : la mobilité, la propreté et la collecte des déchets, la voirie et l’espace public, mais aussi sur une affectation juste et équitable des ressources et investissements en son périmètre. La Ville a demandé la rétrocession maximale des compétences que permet l’article 181 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration (dite loi « 3DS »). La Ville et la Métropole doivent s’entendre pour cela d’ici le 31 décembre 2022. A ce stade, les échanges techniques ont commencé mais la complexité est énorme : définition de la voirie d’intérêt communal ou métropolitain, historique des investissements à reconstituer, avec et sans subventions ou emprunts, niveau de service à déterminer, effectifs à transférer…
En parallèle, un pacte financier et fiscal doit être enfin voté avec le prochain budget en décembre 2022 (sa non-existence est illégale). La Ville de Marseille demande une Dotation de Solidarité Communautaire (DSC) enfin redistributive. Les dotations de solidarité des ex-intercommunalités ont été intégrées dans les attributions de compensation aux communes (AC) dont le but initial était seulement d’assurer la neutralité financière des transferts de compétence. Sur les 631 Millions € d’AC en 2021, la Chambre régionale des comptes (CRC) évalue à 178 Millions € un écart indu, incluant 119 Millions € des anciennes DSC. Cet écart existe chaque année depuis la création de la Métropole. La Ville de Marseille est une des grandes perdantes du système, avec une AC de seulement 140 € / habitant (122 M€ en 2020) sur une moyenne de 332 € / habitant et un maximum de 2557 € / habitant.
Le rapport de la CRC sur les relations financières entre la métropole et ses communes était inscrit à l’ordre du jour de la séance plénière du 20 octobre 2022. Benoît Payan, le Maire de Marseille y est intervenu pour porter l’intérêt des Marseillais, demander une péréquation plus juste, et que « l’Etat aide la Métropole à s’aider ». En effet, les communes ne veulent pas perdre un euro et il faudrait trouver une majorité des 2/3 pour voter une DSC. Certaines communes dépendent à plus de 50% des reversements de la Métropole dans leurs recettes de fonctionnement. Les AC représentent 36% des dépenses de fonctionnement de la Métropole. En l’absence de révision de ce système, les prochains budgets vont s’avérer périlleux.
Née dans la douleur en 2016, la Métropole continue donc son chemin de croix. La fusion avec le Département, comme à Lyon, a été repoussée sine die. Les Conseils de territoire (anciennes intercommunalités) ont été supprimés par la loi 3DS mais cela ne règle pas le problème de fond qui était l’absence de péréquation financière et fiscale au sein de la Métropole. Les métropoles reposent sur la mutualisation de la fiscalité économique, c’est à dire les impôts locaux des entreprises qui ont remplacé la taxe professionnelle : Cotisation sur la Valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Cotisation Foncière des Entreprises (CFE). Ce pot commun devait financer l’effort dans les transports dans tout le territoire métropolitain. Malheureusement, les communes ont conservé leurs acquis financiers de départ mais n’ont pas voulu non plus mutualiser les richesses supplémentaires. Les anciens territoires ont gardé leur niveau de ressources fiscales au sein de leur intercommunalités.
Très vite en difficultés financières, la Métropole n’a pas investi massivement dans les transports comme cela était promis. Le fameux Milliard initialement promis par l’Etat a fini par être confirmé dans le plan « Marseille en Grand » en 2021, essentiellement sous forme d’avances remboursables et un quart de subventions. Un GIP Transports a été créé pour affecter ces financements publics à des projets bien identifiés dans le Plan de Mobilité.
La Ville de Marseille a obtenu l’affectation de 80% de ces financements d’État aux projets de tramway dans les quartiers Nord mais certains points continuent à nous interroger, comme la réalisation du tramway Rome/4septembre ou bien les aménagements de la place Castellane.
Delibération GIP Transport avec l’affectation des financements de l’Etat par projet de transport
Par ailleurs, le manque de ressources pour les transports ne devrait pas empêcher la Métropole de réviser la grille tarifaire. Un autre rapport de la Chambre régionale des comptes, sur les comptes de la Régie des Transports Métropolitains (RTM) était présenté à cette séance. Il montre notamment toutes les difficultés à lutter contre la fraude. Nous demandons des mesures de gratuité pour les jeunes et les chômeurs, et le maintien de la gratuité sur le réseau de bus aubagnais (qui n’est pas rattaché à la RTM).
Notre Groupe s’est abstenu sur la délibération prévoyant une bascule des vélos en libre-service dans le tout électrique avec une forte hausse tarifaire.
En fin de séance, la demande de la Ville de Marseille pour l’encadrement des loyers a été évoquée dans un climat très polémique. Dans un courrier, la Présidente de la Métropole, opposée à cette mesure, a saisi le Ministre du Logement pour demander si son application était possible au seul périmètre de Marseille. Nous attendons donc cette réponse.
Transports, logement, finances et justice fiscale… Sur tous ces domaines essentiels, la séance publique fut longue et laborieuse, comme si cette Métropole cherchait son chemin… sans voir encore le bout du tunnel.
1 commentaire
Twicsy · 12 décembre 2022 à 5:30
Bel article, je l’ai partagé avec mes amis.
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