Au fil du (Prin)temps – N°4 – Edito

Après un mois de confinement, la situation reste difficile pour nous tous et l’épidémie continue. Selon une enquête Harris Interactive, 54% des Français jugent toujours « facile à vivre » le confinement, mais ce sentiment baisse de semaine en semaine. Que dire des autres qui n’ont plus de revenus assurés ou qui exposent leurs corps au travail au service de tous ? Souvent des femmes, d’ailleurs…

On ne le rappellera jamais assez : le confinement est une mesure sanitaire exceptionnelle qui doit rester exceptionnelle. Plus il sera long, plus il traumatisera la société, abîmera la confiance déjà bien mal en point entre le peuple et ses gouvernants, mettra à l’épreuve nos valeurs fondamentales que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Ce ne sont pas des mots en l’air, quand on voit ici ou là des appels à dénoncer les mauvais confinés, souvent simples citoyens exerçant leur droit à sortir tous les jours. Les tentatives de « tracking » (pistage numérique) auront du mal à rester soi-disant « volontaires » si la pression sociale pointe du doigt ceux qui ne voudront pas jouer le jeu. Je partage les inquiétudes face à un possible « hygiénisme réactionnaire », où la peur et la réponse policière remplaceraient la réponse sanitaire et sociale. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis élevée contre une opération de police qui a déstabilisé une distribution alimentaire dans une rue du 1er arrondissement, où l’on sait très bien que le confinement est difficile à vivre.

Pour nous en sortir, nous avons encore un mois de confinement dur… minimum ! Cette période doit être utilisée pour exiger les garanties sanitaires indispensables à un déconfinement accepté par la population. Parce qu’on en est là, en état de choc : aujourd’hui, c’est le déconfinement qui fait peur, et la manière dont va s’organiser le retour au travail, à l’école et à la cantine. Tout le monde réclame des masques, des tests suivis de soins, mais je crois que cela ne suffira pas à apaiser les colères et les angoisses. Nous avons besoin de nous projeter dans un monde où ça ne recommencerait pas (le fameux « jour d’après » ?), avec des solutions économiques différentes : investir massivement dans les services publics comme la santé et l’éducation dont l’importance est rendue si criante par la crise, promouvoir les biens communs, une économie coopérative, écologique et relocalisée, faire primer les normes éthiques, sociales et environnementales sur la libre concurrence, utiliser de nouveaux indicateurs de richesse, rendre universel notre bouclier de sécurité sociale, car le salaire socialisé a été très attaqué. Le mot « économie » si décrié ne se résume pas à un système unique ! Il y a un espace de débat démocratique pour organiser différemment la production de biens et de services, la place de ce qui est marchand et privé, et de ce qui ne doit pas l’être.

Le MEDEF s’est une fois de plus illustré par sa brutalité en demandant de travailler plus dans une reprise rapide de « l’économie » (mais laquelle ?). Mal lui en a pris parce qu’au sein même des milieux économiques, notamment les petites entreprises, des voix inquiètes se sont élevées : avant de parler de travailler plus, il faudrait déjà que les commerces et entreprises ne fassent pas faillite. Bon nombre d’entre eux hésitent aujourd’hui à reprendre leur activité par crainte d’une chute de la demande et d’un manque de trésorerie et de crédit pour tenir. En cas de dépôt de bilan, fini le chômage partiel qui évite le licenciement, finis les débats sur le temps de travail… parce qu’il n’y a plus d’entreprises ni de salariés. Il n’y aura pas beaucoup d’entreprises profitables cette année, en-dehors des grands Groupes du CAC 40 qui ont distribué des dividendes en pleine crise sanitaire ! Ce n’est pas le « grand capital » ni le monde de la finance qui souffrent le plus aujourd’hui, c’est l’économie réelle, celle des services de tous les jours, du commerce, des artisans, des professions libérales, des PME, celle du monde de la culture qui vit une véritable tragédie, celle des petits producteurs et des marchés de proximité que l’on a fermés pendant qu’on laissait faire Amazon ou les grandes surfaces.

Voilà qui rend beaucoup plus complexe qu’on veut bien le dire ce débat entre confinement, déconfinement, santé et « économie ». La réponse reste encore et toujours d’obtenir des garanties sanitaires pour reprendre progressivement toutes nos activités, pas seulement « économiques », mais aussi culturelles, sociales, amicales… La vie en quelque sorte. Il semble que le chemin reste encore long et semé d’embûches. Gardons confiance dans la solidarité et notre capacité de résistance.  

Sophie Camard, tête de liste du Printemps Marseillais pour le 1er secteur

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