On connaît l’importance des mobilisations récentes contre la pollution de l’air des gros navires de croisière à Marseille. Chacun y est allé de son intervention, pétition, manifestation ou de ses annonces… Le procès d’un capitaine de navire de croisière pour pollution de l’air et dépassement de la norme autorisée avait marqué un tournant.

Voir par exemple cet article de 20 minutes du 9 octobre 2018

Aujourd’hui, où en sommes-nous exactement ?

Navire de croisière à l’Estaque

Règlementation mondiale, mobilisations locales

Le transport maritime est, par nature, l’activité la plus mondialisée du monde. Les problèmes qui se posent à Marseille se retrouvent dans tous les ports, à importance variable. Les États se concertent donc à l’échelle de la planète, au sein de l’Organisation Maritime Internationale (OMI). Cela ne veut pas dire que l’Europe, l’État français, la Ville ou le port de Marseille ne peuvent rien faire, mais que chaque échelon doit définir sa propre stratégie dans ce cadre global, trouver des alliés, se démarquer, pour faire évoluer la réglementation, ou tout simplement la faire respecter.

Pendant longtemps, l’écologie était inaudible dans le milieu portuaire de Marseille/Fos, considérée comme incompatible avec le développement du port : la biodiversité abîmée par les zones logistiques, les pollutions industrielles, les camions, le bruit… D’autres ports, notamment au Nord de l’Europe, ont compris au contraire l’intérêt des démarches environnementales : développement du rail, gestion rationnelle des espaces. En mer du Nord, une zone de contrôle des émissions d’ oxyde de soufre (SOx), d’azote (NOx) et de particules (Emission Control Area – ECA) s’applique depuis 2015. Dans ces ports d’Europe du Nord, la teneur en soufre du fioul est plafonnée à 0,1%, alors qu’aucune réglementation ne s’applique dans les ports de Méditerranée qui se livrent une concurrence féroce pour capter les flux de marchandises et de voyageurs, quitte à casser les prix et les normes. Voilà pourquoi un port isolé aurait du mal à imposer seul une réglementation, sauf à publier des chartes incitatives pour donner l’exemple.

Les effets de la réglementation internationale avancent :

En décembre 2019, l’ensemble des États Méditerranéens réunis sous l’égide de la Convention de Barcelone (programme des Nations Unies contre la pollution marine) a acté le principe d’une zone SECA couvrant toute la Méditerranée, de Gibraltar à Suez.

Et surtout, depuis le 1er janvier 2020, tous les navires dans le monde doivent utiliser un fioul à basse teneur en soufre (plafond de 0,5% au lieu de 3,5% maximum aujourd’hui, pour une moyenne de 1%). C’est le résultat de négociations au niveau d’Organisation Maritime Internationale engagées depuis dix ans.

Voir cet article des Echos, 27 décembre 2019

Publier le résultat des contrôles de fumées des navires

Encore faut-il que cette réglementation soit contrôlée et respectée. En France, c’est le rôle de l’administration des affaires maritimes. En zone SECA (dans la Manche pour la France), des inspections environnementales sont réalisées par les agents des affaires maritimes pour vérifier que tous les navires utilisent un combustible conforme ne contenant pas plus de 0,1% de soufre, ou bien que le système d’épuration des fumées fonctionne correctement.

L’utilité d’une municipalité sensible à l’environnement serait de faire pression sur l’État pour publier ces contrôles, mais aussi aider les recours en justice en cas de non respect de la réglementation.

Investir dans un port de l’excellence environnementale

Intervention au débat organisé par Marsactu sur la pollution de l’air le 24 octobre 2019

Il ne suffit évidemment pas d’en rester là. Dans les années à venir, le port de Marseille devra s’équiper pour le branchement électrique des navires, la production d’énergies renouvelables (alimenter des géants des mers, ce n’est pas très économe en centrales nucléaires), le ravitaillement en Gaz Naturel Liquéfié (GNL), mais aussi offrir de nouveaux services environnementaux, créateurs d’emplois : Exemple, le traitement des eaux et des déchets en circuit fermé pour éviter que ce qui n’est pas rejeté dans l’air grâce à des filtres à fumée (scrubbers) ne soit rejeté… en mer !

Malgré ces avancées, nous restons loin d’un « écotourisme »

Malgré toutes ces avancées possibles, à confirmer et à mesurer, ne parlons pas « d’écotourisme » en matière de gros paquebots, comme je l’ai déjà lu sur des communications de ce secteur d’activité. Par nature, le gigantisme de ces navires, leur consommations d’énergie et leur production de déchets ne peut pas les faire entrer dans cette catégorie, de même que les escales rapides de passage, où les touristes ne voient que des décors de cartes postales et dépensent finalement très peu sur place. On ne peut qu’appeler de nos vœux moins de gigantisme et un tourisme plus écoresponsable à condition que cet adjectif ne soit pas détourné de son sens. Cela dépend aussi des capacités de notre Ville à proposer des parcours et des activités authentiques et attractives, dont les retombées profitent à tous, sans détériorer notre patrimoine ou notre environnement.