Soirée Harlem Marseille, Théâtre Silvain, 29 août 2021

Discours introductif à la projection du film de Mathieu Verdeil
sur la vie de Claude Mac Kay

Bonsoir à tous,
Bonsoir Madame la Consule des Etats-Unis,

L’année dernière, nous nous étions retrouvées ici, à la même date, pour une soirée sur Marseille et les Américains pendant la seconde guerre mondiale, autour d’un film de Mathieu Verdeil.

Un an plus tard, nous voici fidèles au rendez-vous avec cette soirée Harlem Marseille et la projection d’un nouveau documentaire de Mathieu Verdeil, sur la personnalité extraordinaire de Claude Mac Kay, né en Jamaïque, naturalisé américain, grand voyageur, figure littéraire du mouvement Renaissance de Harlem dans les années 1920.

Ce mouvement culturel, né dans la communauté afro-américaine qui fuyait la ségrégation, n’est pas seulement littéraire, mais de toutes les disciplines artistiques. La danse Lindy Hop y a émergé comme une danse de rue, sur des airs de swing. Vous l’avez vu pratiquer tout à l’heure.

Pour nous, cela fait écho à notre festival Hip hop non Stop que nous avons accueilli cette semaine dans ce théâtre Silvain, et qui a permis de croiser les anciennes et les nouvelles générations des cultures urbaines marseillaises. Les musiques populaires ne viennent jamais de nulle part. Elles recyclent le passé et se réinventent sans cesse. Elle savent voyager entre des périodes et des cultures différentes.

Voyager, c’est bien la vie de Claude Mac Kay. Comme nous le verrons ce soir, il a vécu aussi à Marseille, dans ce fameux « quartier réservé » du port, le Panier, où se côtoyaient les immigrés, les marins, les prostituées, les voyous. Je me demande ce que les réseaux sociaux en auraient dit s’ils avaient existé à l’époque !

A défaut de réseaux sociaux, nous en avons des airs de jazz, des vieilles photos, des romans, des témoignages, tout ce qui permet de réfléchir à distance, et de se dire que nos polémiques d’aujourd’hui, sur l’immigration, les réfugiés, le racisme, les identités, seraient moins pénibles si elles avaient plus de mémoire et de recul historique.

Quand je lis le parcours de Claude Mac Kay, je ne peux pas m’empêcher de penser à un autre écrivain américain que j’ai beaucoup lu : Jack London. Ils n’ont pas vécu dans les mêmes années mais ils ont partagé le même destin de voyageur, les mêmes engagements révolutionnaires, et peut-être aussi les mêmes désillusions. Leur rapport au monde n’est pas universitaire ou théorique, il est profondément vivant, naturaliste, autodidacte, enrichi de multiples expériences et rencontres.

La vie de Claude Mac Kay a été celle d’un vagabond, d’un ouvrier… une quête.

Précurseur de la négritude, il vivait déjà la tension entre le « nationalisme noir » ou « l’assimilation » qu’on nous présente encore aujourd’hui comme seule alternative, alors que nos sociétés sont et seront de plus en plus métissées.

Les conflits qui nous traversent n’empêcheront pas, je pense, de trouver l’apaisement. Pensons à Josephine Baker dont l’entrée au Panthéon de la République française fait consensus aujourd’hui.

Pour cette soirée, laissons la politique de côté pour retenir le parcours d’un homme venu des Caraïbes mais qui s’est senti si bien et si libre, dans notre ville de Méditerranée : Marseille.

Catégories : Culture